Chapitre 2 : Darelle

Je pourrais certainement parler de ma famille pendant des heures. J'ai surtout été élevé
par ma mère. Mon père, chevauchant avec les Rohirrims, n'a pas passé autant de temps avec
moi que je l'aurais espéré. J'avais déjà parlé de cela, même si il n'était toujours là, j'ai
toujours apprécié les courts moments en sa présence.

Puis un jour d'automne, ma mère est tombée enceinte. Je n'ai pas tout de suite pris conscience de
l'importance que cela allait avoir sur ma vie. La toute première fois que j'ai vu ma sœur,
je l'ai d'abord perçue comme une menace. Ils avaient décidés de l'appeler Darelle. Ce qui signifie
pour nous tendrement aimée. D'entendre son nom, j'avais le sentiment de n'être moi-même pas aimé.

Elle était le centre d'attention de la maison, de tous les voisins et les amis qui étaient
venus lui souhaiter la bienvenue dans ce monde.
Ma mère se soustrayant subitement à l'attention perpétuée par ma sœur me remarqua seul dans
un coin, regardant d'un air inquiet la foule affluée au berceau. Elle me fait signe de
m'approcher. Je m'exécute. Elle tend alors ses bras pour me donner ma sœur. Je ne comprend
pas tout de suite son geste mais je tend moi aussi les bras pour attraper le bébé.
C'est alors que nos regards se sont croisés. Croyez moi ou non, j'ai vu l'avenir dans ces
yeux, l'espoir, alors que je ne savais probablement pas ce que tout cela pouvait signifier
à cet âge. On m'a plus tard raconté que je l'avais regardé fixement pendant plusieurs
minutes, et pourtant, je n'avais absolument pas vu le temps passer. Je me suis juré de
protéger cette perle du monde. Et j'ai, jusqu'à ce jour, tenu ma promesse.

Cela me rappelle la fois on nous avions sortis notre jument pour chevaucher sur les terres
du Rohan un après-midi d'été. La jument commençait à faiblir, nous nous sommes donc arrêtés
près d'une rivière pour qu'elle puisse s'y rafraîchir. Pendant ce temps, nous étions tous
les deux allongés dans les herbes hautes à contempler les nuages. Nous n'échangions pas
un mot. Nous étions juste là, à profiter de notre insouciance.

Mais lorsque nous avons voulu repartir, la jument avait disparu. Nous ne l'avions même
pas entendue. Il commençait à faire nuit et nous savions tout les deux ce que cela voulait
dire. Les gobelins aimaient particulièrement l'endroit où nous étions lorsque la nuit
tombe. Ironiquement, nous avions plus peur de subir la colère de notre mère plutôt que
tomber nez à nez avec les gobelins.

Alors qu'il commençait à faire de plus en plus froid, je donnais ma veste à ma sœur
qui commençait à trembloter. Ce n'était pas le froid qui la faisait trembler, mais l'idée
d'avoir à croiser des gobelins la terrorisait.
Alors que le sommeil commençait à nous gagner et que nous nous endormions en tentant
vainement de monter la garde, nous entendîmes des bruits de pas et des gobelins parler entre
eux. Je n'avais alors pas d'armes mais j'étais prêt à en découdre pour la protéger.
Jamais je n'ai eu aussi peur de toute ma vie, je commençais à ne plus rien entendre à part
mon cœur battre. La seule image que j'avais, c'était celle de ma sœur.

Ils commençaient à renifler l'air, je savais qu'ils nous avaient sentis. Ils se rapprochaient
doucement de nous. Je vis un dague accrochée à la cheville de l'un d'eux. J'avais mon plan,
il me suffisait de m'emparer de cette dague, de la lui planter dans la gorge et de passer
à ces autres immondes créatures. Pendant ce temps, ma soeurs devrait pouvoir s'échapper
en suivant la rivière.
Je sors donc de ma cachette discrètement et en courant vers le gobelin à la dague. Alors que
je passe ma main dessus, il se retourne brusquement et me met à terre d'un coup de pied.
Me voilà pris au piège, je n'avais nulle part où aller, j'allais mourir.

Mais arrivé de nulle part, le gobelin fût éjecté par la monture d'un Rohir. Le reste de
la troupe n'a pas mit de temps à éradiquer toutes ces créatures. À peine eu-je le temps de
me relever et de réaliser ce qui s'était passé qu'il ne restait plus aucun gobelin.

C'était mon père et les autres cavaliers du Rohan. Alors qu'ils étaient en train de
saccager un camp gobelin, mon père remarqua sa jument, en train de rôtir au feu. Il ne mit
pas longtemps pour réaliser que nous étions en danger. Il avait avertis les autres, qui se
sont séparés pour essayer de nous retrouver.
Nous sommes finalement rentrés sains et sauf à Edoras. Ma mère n'avait aucune idée de ce
qui s'était passé. Mon père choisit de ne rien lui dire, pour ne pas l'inquiéter je
suppose.

Ce fut certainement la pire nuit de ma vie. Non pas parce que j'étais proche de la mort,
parce que j'avais peur de perdre Darelle à jamais et de ne pas tenir la promesse que je
m'étais faite il y a des années.